Mémoire Espace-inc: Territoires entreprenants et innovants

Mémoire

Pourquoi un mémoire Espace-inc ?

À Espace-inc, on s’intéresse d’abord à l’entrepreneur dans son profil humain. Qui est-il ? Que cherche-t-il à accomplir? Comment apprend-t-il ? Qu’est-ce qui le motive ? De quoi a-t-il besoin aujourd’hui pour créer de la valeur plus tard ?

Depuis les 50 dernières années, le profil de l’entrepreneur a bien évolué. Du baby boomer bâtisseur du Québec oeuvrant dans les secteurs manufacturiers et de l’ingénierie, en passant par l’avènement des premiers entrepreneurs technologiques du secteur des télécommunications, aux tendances fortes de la startup à la Silicon Valley ces dernières dix années, il serait d’abord intéressant de s’attarder à qui est l’entrepreneur qui bâtira le Québec de demain.

La relève entrepreneuriale actuelle, qu’elle soit en train de démarrer une entreprise technologique, de vouloir changer le monde par un projet à impact social ou environnemental, ou encore de prendre la relève de la PME familiale, cette relève pense, vit et voit le monde différemment que ses parents et grands-parents.

L’entrepreneur que nous côtoyons veut créer un impact sur la société, sur l’environnement et dans sa communauté. Son ambition n’est pas tant le succès financier que de s’épanouir en travaillant sur un projet d’affaires plus grand que lui et qui donne un sens à ses valeurs tout en contribuant positivement à sa communauté. 

Trop souvent on recherche chez l’entrepreneur des caractéristiques de visionnaire, d’extraversion, de force de caractère, de super-héros, de grand orateur, de leader charismatique, d’ambition, or, il en est bien autrement dans la grande majorité des cas. L’entrepreneur est le plus souvent insécure, se sent incompris et cherche sa place dans une normalité auquel il ne s’identifie pas.

Récemment, ces perceptions de l’entrepreneur vedette au succès quasi instantané, stimulées et promues par les médias, tendent à évoluer. Cette fausse réalité du succès entrepreneurial qu’on nous a vendu depuis les dernières décennies a eu du bon, mais a aussi contribué à toutes sortes d’autres dérives. Notamment, de faire de l’entrepreneuriat une mode, une tendance, où, entre le rêve et la réalité, l’aspirant entrepreneur se cherche et n’ose pas, tant la montagne semble grosse par rapport à la perception qu’il a de lui-même, alors que celui qui se lance tête baissée, sous-estime largement les efforts et les difficultés en chemin.

La culture de l’instantanéité et de l’entrepreneur génie, à l’image de Steve Jobs, a créé une sorte d’ego entrepreneurial qui nuit aux entrepreneurs de l’ombre de même que la tendance d’associer le succès à la réussite d’une levée de capital. La majorité des entreprises se développent sans investissement en capital de risque, puisqu’elles ne représentent pas le potentiel de retour espéré par un fonds d’investissements. À tort, on croit que bâtir une entreprise égal à investissement. Un autre mythe à défaire, selon notre perspective, et ce afin d’investir les bonnes ressources, financières et humaines, au bon moment.

C’est entre autre ce qu’on a voulu mettre en lumière dans la rédaction de ce mémoire déposé dans le cadre de la consultation sur la stratégie québécoise sur la recherche et l’innovation : L’entrepreneur et les connexions humaines comme moteurs de l’innovation et du développement économique. 

 

 

Sommaire du mémoire Territoires entreprenants et innovants

 

INTENTIONS

 

  • Pour la reconnaissance d’une expertise en accompagnement entrepreneurial, offert par un réseau de pairs, qui développe et forme l’entrepreneur émergent et innovant dans l’action.
  • Pour encourager l’établissement de structures d’accompagnement entrepreneuriales qui sont agiles, gérées et gouvernées par des entrepreneurs et reconnues comme des entreprises performantes et expertes dans leur domaine.
  • Pour stimuler l’innovation issue du talent et de la vision entrepreneuriale, en étroite complicité avec les institutions de recherche et développement.
  • Pour permettre à l’entrepreneur de partout au Québec, même en région éloignée, d’être connecté avec des réseaux qui vont l’élever et le propulser.

 

CONSTATS

 

Les entrepreneurs comme fertilisant de nos territoires 

Les principaux enjeux auxquels nous faisons face collectivement sont ancrés dans la transformation durable du Québec et de ses régions. Le véhicule entrepreneurial est un vecteur puissant et les innovations contribueront à bâtir une province économiquement plus forte, plus résiliente et en mesure de répondre aux grands défis sociétaux et environnementaux d’aujourd’hui et de demain. L’entrepreneur émergent que nous côtoyons veut créer un impact sur la société, sur l’environnement et dans sa communauté

 

« L’entrepreneur apparaît au centre des processus d’innovation, laquelle présente une double face de destruction et de création. L’entrepreneur rompt l’équilibre économique précédent en introduisant de nouveaux produits, de nouveaux moyens et méthodes de production, ou en réorganisant les industries en place. » (Verzat 11-16)

 

L’entrepreneur apprend, innove et développe son entreprise à sa façon

L’entrepreneur n’apprend que lorsqu’il est confronté à un problème qu’il doit résoudre. Plutôt que de planifier le futur via un plan d’affaires, il le construit et le façonne en avançant avec les ressources et les opportunités dont il dispose. Cette façon d’être, déroge des approches enseignées dans les plus grandes universités de ce monde, d’où l’importance de revoir nos façons de concevoir et de déployer l’accompagnement entrepreneurial au Québec.

« Ce que l’on raconte aux gens ne leur apprend jamais rien, ils doivent le découvrir par eux-mêmes. » (Coelho)

Innovations en accompagnement entrepreneurial : une expertise qui doit être mieux reconnue

Pour être pertinent et efficace auprès de l’entrepreneur, l’accompagnement entrepreneurial doit être pluriel. Surtout, il doit se baser sur une approche dans l’action, avec des pairs d’expérience, et soutenu par un réseau de confiance qui l’élève et le nourrit. Il faut aussi travailler avec un réseau qui comprend finement la réalité entrepreneuriale pour deux focus de chiffres d’affaires : atteindre le 1er M$ et savoir passer du 1er M$ au 5 M$.

Les structures d’accompagnement doivent savoir composer avec des méthodes d’apprentissage novatrices par les pairs, le développement d’un réseau d’accompagnateurs de haut niveau – des coachs-entrepreneurs aguerris, et la conception de parcours d’accompagnement agiles basés sur l’expérientiel, l’action et la collaboration. Ainsi, au-delà des outils, de l’expertise et des méthodologies diverses, c’est l’expérience et le savoir-être des accompagnateurs qui font une réelle différence, de même que la relation tripartite entre le réseau externe, l’équipe interne et l’entrepreneur où la confiance, les valeurs communes et l’engagement mutuel est fondamental.

 

RECOMMANDATIONS

 

Pour changer les paradigmes, il faut éviter le saupoudrage des interventions et des ressources financières et travailler sur une vision long terme. Voici trois de nos quatre recommandations qui vont en ce sens.

 

1 – Miser sur un investissement d’impact dans nos talents

Sachant qu’une entreprise innovante prend de 5 à 10 ans, dans un chemin non-linéaire, avant d’arriver à maturité, l’accompagnement doit être vu à long terme pour avoir un impact réel sur la croissance et l’atteinte de la pérennité de l’entreprise. Il est réaliste de penser qu’il faut investir plus de 250 K$/entreprise en accompagnement spécialisé sur une période de 3 à 5 ans. La plupart des programmes présentement offerts sont de courte durée et ne permettent pas de générer un impact long terme auprès des entrepreneurs.

 

2- Encourager les innovations organisationnelles et spécialisées en accompagnement entrepreneurial

 

  • Doter le Québec d’organisations neutres et spécialisées en accompagnement entrepreneurial dont le mode de gestion s’apparente au privé plutôt qu’au para-publique.
  • Investir dans la mise sur pied d’équipes internes d’entrepreneurs de talent ayant de fortes expériences en innovation, en croissance et en investissement.
  • Favoriser les modèles organisationnels agiles, collaboratifs et en réseau afin d’assurer une offre adaptée aux entrepreneurs et assurer la perméabilité et le partage concret des réseaux, des approches et des savoir-faire.

3 – Créer un fonds dédié à la croissance des talents et de l’innovation

Présentement, les incubateurs et accélérateurs jonglent avec plusieurs enveloppes, limitant leur plein potentiel. Les programmes gouvernementaux offerts sont par appel à projets et n’offrent que des subventions de courte durée et sur des petits montants. Afin d’avoir de la cohérence dans la stratégie et les recommandations proposées, il faut miser sur la pérennité, l’autonomie financière et la performance des structures d’accompagnement indépendantes.  Nous croyons qu’une stratégie de financement long terme adaptée aux structures les plus performantes et neutres, telle la création d’un ou des Fonds de gestion des talents vers l’Innovation et la croissance économique, favoriserait l’alignement des intérêts des équipes de gestion de ces organisations vers la création d’un portefeuille d’entreprises de qualité.

 

Version complète du Mémoire Territoires entreprenants et innovants présenté par Espace-inc dans le cadre de l’appel de mémoires de la consultation entourant la SQRI 2022.

 

Auteure : Chloé Legris, cofondatrice et directrice générale de l’accélérateur d’entrepreneurs Espace-inc.


1. Adapté de Joseph Schumpeter. Verzat, Caroline. « Former et accompagner des entrepreneurs potentiels, diktat ou défi ? » CAIRN.INFO, vol. 2015/3, no 39, 2015, p. 11‑16, www.cairn.info/revue-savoirs-2015-3-page-11.htm?contenu=article.

2. Coelho, Paulo. Veronika décide de mourir. J’AI LU, 2007.

 


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